Miss Scherrer
Jean-Louis Scherrer, fait partie de cette galaxie de marques qui ont connu leur moment de gloire dans les années 80 et qui, aujourd’hui, se réfugient au bas des linéaires des parfumeries contemporaines.
Lorsque cette marque de couture a décidé de lancer son premier parfum, elle l’a fait en choisissant de réinterpréter les floraux aldéhydés chyprés des années 50 à 70, comme Ma Griffe de Carven, mais, sans pour autant trop appuyer le trait du délire de notes propre aux années 80, pas tellement réputées pour leur discrétion.
C’est donc ainsi un parfum à tailleur graphique ultra cintré et épaulettes oversize, mais sobre – en noir, blanc et vert -, somme toute assez courant à son époque, qui a été proposé au tout début des années 80, avant qu’elles ne deviennent vraiment “folles”.
Une écriture parfaite et des matières nobles ont permis à cet excellent parfum de survivre au séisme de la multiplication des lancements qui débutera dix ans plus tard.
Une note savonneuse de fer à repasser emporte avec elle, dans un élan d’un classicisme maîtrisé, la douceur d’une mandarine douce et la force d’une bergamote poivrée qui se font immédiatement très vertes, soutenues par galbanum et bourgeons de cassis qui vous donnent l’impression de froisser des feuilles lors de promenades dans des parcs ou des jardins. La suite n’en sera pas moins absolument classique par un cœur de jasmin et de roses poudrés par l’habituel iris. Impression classique sans être banale.
Immédiatement, la transparence contrastée en filigrane des chyprés des années 60 et 70, comme Private Collection, Diorella et Aromatics Elixir, joue à chat y es-tu ? avec une treille boisée par santal, patchouli, vétiver et mousse de chêne pour un rendu tout sauf tape-à-l’œil. Les “bois «et humus, ainsi qu’une note subtilement camphrée presque médicinale, soutiennent l’accord floral classique et lui donnent juste ce qu’il faut de raideur pour éviter de sombrer dans une certaine forme de niaiserie florale “gnangnan”. Le jeu de clair-obscur entre la transparence florale et l’assombrissement des ombres arborées est subtil. Une facette assez aromatique nous rappelle que cette création se situe bien dans les années 80, grande époque des “fougères de papa“, et masculinise avec subtilité ce sommet d’orgueilleuse féminité.
L’harmonie des accords joués ne connaît aucune discordance ni fausse note. Pas un trou d’air qui soit visible, on ne perçoit pas même un effet de bosses qui chahute l’évolution. L’effet délicat, harmonieux, plein, qui mêle notes vertes et sensations florales poudrées boisées, est d’un équilibre entièrement sous contrôle. Pourtant, si la maîtrise est totale, exprimant une sévérité certaine, bien que le maintien soit parfait, assez “dame” en réalité, Jean-Louis Scherrer ne semble pas dédaigneux et autoritaire ni cinglant comme certains parfums chyprés cuirés ou verts peuvent l’être, bien qu’il en soit une sorte de prototype idéal.
Bien qu’assez peu connu, ce parfum semble posséder toutes les qualités d’élégance et de maintien des chypres verts qui font tant défaut aujourd’hui.
Avis aux amatrices et amateurs de chypres historiques : jolie œuvre en vue